SABIEN WITTEMAN  
TEXTE DE JACQUES PY
 
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Sabien WITTEMAN, la figuration corrosive.


Plus qu’avec le Pop’ Art américain, ne faudra-t-il pas faire un jour en France, l’évaluation de l’impact de la Figuration narrative sur les expressions les plus récentes des arts plastiques ? La persistance avec laquelle de jeunes artistes s’obstinent à se saisir d’une peinture combinant des images issues de la réalité est probablement plus importante que les approches critiques actuelles qui balisent l’art contemporain avec les critères exclusifs de la nouveauté des démarches et des moyens employés. Cependant à l’analyse, plus d’un artiste pourrait se révéler dans une filiation incontestable avec ces peintres qui partagèrent dans les années 1960 le territoire de l’image, jusqu’alors exclusivement réservé à la peinture, avec la photographie et le cinéma. On pense en particulier à Bernard Rancillac, Jacques Monory, Erró, Gérard Fromanger, entre autres…

Comme eux, Sabien Witteman construit son propos à partir des photographies qu’elle prend puis qu’elle mêle à un inventaire d’objets banals et de citations choisies dans nos références culturelles contemporaines. Dans sa pratique, comme dans celle du collage, la collusion est à l’évidence le moyen le plus efficace de provoquer une tension dans l’image et d’aiguiser ainsi son regard critique, ironique et souvent acerbe, sur les hommes de pouvoir du monde économique dont elle fait le portrait. Aux représentants policés de la classe dirigeante, elle adjoint un irrévérencieux nez de Pinocchio ou un plumet sur le crâne qui décrédibilise à tous jamais la posture, voire l’imposture, de ces personnages. Ailleurs, par une mâchoire extensive, peut-être celle du monstre d’Alien, elle nous désigne la voracité du monde des affaires. La césure des cadrages, les fonds violemment colorés, les formats étirés contribuent plastiquement aussi à transformer ces personnes, plus ou moins maltraités dans le pointage de leurs faiblesses, en marionnettes pitoyables prisonnières d’un castelet pictural. Mais ne sont-ce pas les encres qui en réalité portent par la fulgurance de leurs traits les attaques les plus cinglantes, au sens d'un trait décoché sur une cible par une arbalète ?


Jacques PY, 24 janvier 2013.